Né sous une bonne étoile (French Edition) by Aurélie Valognes

Auteur:Aurélie Valognes [Valognes, Aurélie]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2020-03-03T23:00:00+00:00

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Il faut se méfier de ses amis comme de ses ennemis

Le retour à la maison fut silencieux. Gustave n’osa pas interroger sa mère et ils passèrent à table sans cérémonie. Seule Joséphine, qui n’avait pas compris ce qui s’était tramé, en avait rajouté une couche pendant tout le dîner.

– Il n’arrive pas à apprendre ses tables de multiplication, d’accord, mais il retient sans problème les marques des pubs à la télé. Il n’a pas de soucis de cerveau, ça, on en est sûr, se moqua-t-elle gentiment.

Noémie soupira :

– Mais si les devoirs pouvaient entrer aussi facilement, on n’en serait pas là, Joséphine !

– Tu rachèteras du multivitaminé, Maman, s’il te plaît, insista la fille.

– Non, c’est au tour de Gustave et lui préfère le jus pomme-pêche.

– J’en ai marre de ce truc d’une semaine sur deux. J’en ai ras-le-bol d’être pauvre. C’est de ta faute, Maman, si Papa est parti et si maintenant on galère.

Noémie lança un regard mauvais à sa fille pour la faire taire, mais Joséphine en avait décidé autrement :

– Tu gagnes quoi ? 1 500 euros par mois ?

– Si seulement, souffla la mère en vidant les assiettes au-dessus de la poubelle.

– Eh bien moi, pour 1 500 balles, je ne me lèverais même pas le matin. Je vous préviens, je ne pourrais pas me contenter d’une petite vie, annonça-t-elle en quittant la cuisine sans débarrasser, ni récupérer la claque que Noémie s’apprêtait à lui donner.

La soirée fut morne. Chacun partit s’isoler, refermant la porte derrière soi, comme autant de pare-feu à leur tristesse individuelle. Gustave vérifia son nichoir – éternellement vide –, puis s’installa à son bureau pour relire ses cours afin que son inconscient mémorise. Le faisant sursauter, Joséphine frappa à sa porte – c’était une première – et s’allongea sur son lit.

Si Joséphine pouvait finir les phrases de ses interlocuteurs sans jamais se tromper – impatiente devant la lenteur des autres à formuler approximativement leur pensée et anticipant des banalités –, Gustave ne parvenait jamais à deviner ce que sa soeur avait à lui dire.

– Elle m’agace.

Le garçon fronça les sourcils. Gustave n’aimait pas quand sa sœur le prenait à témoin pour dénigrer leur mère, ni quand elle l’accusait sans motif du départ de leur père.

– Pourquoi tu dis que c’est de la faute de Maman si Papa est parti ?

– Réveille-toi, Gus-Gus. Pour quelles raisons crois-tu que Papa ait cherché une pouffe ? Maman n’a pas été foutue de le retenir, trop occupée à droite à gauche. Et pour nous offrir quel quotidien ?

Gustave déglutit. Sa mère employait effectivement tout son temps à apporter son soutien aux autres – que ce soit aide-soignante ou aide aux devoirs à ses côtés. Serait-ce donc de sa faute à lui, si ses parents ne s’aimaient plus ? Le garçon ouvrit la bouche, mais sa soeur enchaîna :

– Regarde autour de nous : il n’y a pas une bibliothèque ! À part le programme télé, tu as déjà vu Maman lire un livre ?

– Tu exagères.

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